Il faut six heures à notre avion (via la compagnie chilienne LAN, compagnie très professionnelle) afin de rejoindre l’Île de Pâques depuis Santiago du Chili, c’est dire l’isolement de ce petit bout de terre éloigné de tout : à 4 000 km du Chili et de Tahiti, l’île la plus proche Pitcairn (à 2 000 km quand même) ne compte que 50 habitants …
Etant donné la taille de l’hôpital local, il est préférable de ne pas tomber gravement malade ici !
L’Île de Pâques est d’origine volcanique : trois volcans « morts » ont permis la formation de cette île longue de 23 km et large de 12 km (il faut moins d’une heure en voiture pour en faire le tour) et en forme de triangle isocèle.
L’île ne compte que 5 000 habitants majoritairement situés à Hanga Roa, l’unique ville de l’île. Historiquement, les habitants étaient « parqués » ici car le reste de l’île était dédié à l’élevage des moutons par les autorités chiliennes. Par la suite avec le développement du tourisme, le reste de l’île a été déclaré parc naturel et préservé de la construction. Ainsi l’île de Pâques a pu garder son côté sauvage et mystérieux.
Les autochtones, appelés communément les « Rapa Nui », représentent environ la moitié de la population de l’île. Le reste des habitants, principalement des Chiliens sont arrivés ces dernières années suite à l’essor du tourisme.
L’ïle reçoit environ 20 000 visiteurs annuels dont 50% de Chiliens et 50% du monde entier ! Parmi les touristes du « reste du monde », les français représentent un fort contingent (notamment de la Polynésie voisine) mais ce sont surtout les japonais ! Au camping, les instructions sont en Espagnol, Anglais et Japonais … A Osaka, on peut même trouver une réplique des moais, les fameuses statues de l’île …
A l’heure où nous visitons l’île de Pâques, les tensions entre les « Rapa Nui » et le gouvernement chilien sont fortes … Les habitants reprochent au gouvernement chilien d’avoir spolié les terres de leurs ancêtres et les revendiquent (ainsi le musée de l’île est fermé, les travaux de construction de l’hôtel en face de notre logement arrêtés …), de ne pas avoir investi dans les infrastructures (les routes sont très délabrées même pour notre 4x4) et de détourner l’argent issu de la manne touristique.
A titre anecdotique mais très révélateur, nous apprenons que la compagnie aérienne chilienne la LAN a le monopole des liaisons avec l’île de Pâques … et le Président de la République du Chili était l’ancien PDG de la LAN !
Afin d’apaiser les tensions locales, le gouvernement chilien a finalement promis d’investir environ 270 millions d’euros … les débats actuels tournent autour d’une loi « protectionniste » que les habitants réclament: pour être résident sur «l’île de Pâques », il faudra avoir un lien de parenté avec un « Rapa Nui ».
Face à son isolement géographique, il est intéressant d’observer l’organisation de l’île.
L’eau (fortement chlorée) provient d’une nappe phréatique proche du volcan.
L’électricité (très chère) est fournie par des générateurs alimentés au fuel.
Un câble sous-marin connecte l’internet avec le Chili d’où des prix corrects.
Un bateau approvisionne l’île en nourriture à longue DLC 4 fois par an, les produits frais sont transportés par avion par la LAN.
L’île dispose d’une trentaine de policiers, de plusieurs garnisons militaires, d’un minuscule tribunal, d’un petit hôpital et d’un centre vétérinaire (au cas où…).
Nous avons décidé de séjourner une semaine sur l’île afin de percer les mystères de l’île de Pâques mais aussi pour nous reposer ! Nous trouvons un camping idéalement placé au bord de l’océan et proche du centre ville. A nous la vue sur la mer, les couchers du soleil… mais en chambre ; la tente, ce sera pour plus tard.
Le camping est propre et fonctionnel (Wifi, cuisine …), et lors de chaque arrivage de la LAN, nous y rencontrerons de nouveaux visiteurs avec lesquels nous sympathisons :
Pénélope (baroudeuse et kinésithérapeute itinérante en France), un couple de français qui habitent au 21 rue Marius Aufan à Levallois (Christophe habite au 42 rue Marius Aufan – que le monde est petit !), un couple d’allemands charmant, Irène et Franck couple français et leur petite fille Bettina (5 ans) avec lesquels nous échangerons beaucoup (infos, films…) car ils font aussi un tour du monde en visitant les mêmes pays que nous mais dans l’autre sens, une plongeuse australienne …
C’est la belle vie au camping !
Mais nous avons également visité l’île !
Afin de commencer et nous familiariser avec les lieux, nous avons opté pour une journée « tour du Sud de l’île » avec un guide français svp ! (parce que l’histoire et les mythes de cette île sont suffisamment compliqués à comprendre pour ne pas y rajouter la difficulté de la langue). Notre guide, Lionel, s’est marié avec Tita, d’origine pascuanienne et, outre son activité de chambre d’hôte (fort lucrative, critiques élogieuses dans le Routard et le Lonely Planet), il organise des excursions avec de nombreuses explications historiques et archéologiques, explications parfois confuses (mais nous allons essayer d’être clair ici).
Tant de choses se sont dites sur les statues de l’île de Pâques (intervention d’extra-terrestres : la théorie préférée du papa de Stéphane ;-) ), mais en fait, ces statues n’ont plus beaucoup de mystères de nos jours …
Il y a près de 900 statues ou « moais » dans l’île, beaucoup sont couchées au sol ou cassées (suite aux intempéries : tsunami, vent… ou à cause des guerres tribales). L’île compte quatre sites majeurs où il est possible d’admirer ces statues restaurées et alignées.
Le peuple polynésien, originaire de Taiwan, a conquis les îles du Pacifique avant d’occuper l’île de Pâques vers l’an 300-800 après JC.
Plusieurs tribus se sont développées et affrontées sur l’île.
Il est possible de distinguer plusieurs périodes de construction des moais : les premiers sortent de terre vers l’an 800, la plus importante période s’étalant entre le 13ème et le 17ème siècle, fin de la croyance moai.
A chaque période, la morphologie des statues asexuées évolue mais la tendance est de faire des statues de plus en plus grandes et massives.
Edifiées sur des plates-formes (ahu), les statues tournent le dos à la mer car elles « regardent » le village et transmettent la force « mana » des ancêtres à la tribu. Sculptées en pierre volcanique à la carrière de Rano Raraku par les « courtes oreilles », elles sont ensuite acheminées vers le site final d’exposition.
Certains moais portent un chapeau rouge (le Pukao) et des yeux de corail posés en fin d’édification de la statue.
Les statues de plusieurs dizaines de tonnes étaient transportées debout avec des rondins en bois et… beaucoup de force humaine, jusqu’à 20 km de chemin. Beaucoup de statues ont été retrouvées cassées dans la carrière où sur les chemins : seulement le tiers des statues arrivaient à destination.
La surexploitation des ressources en bois (pour le transport des moais) a entraîné la disparition de la forêt de l’île, l’érosion des terres … Cela semble curieux que le peuple de l’île, trop préoccupé par l’édification des moais, ne se soit pas rendu compte qu’il était en train de détruire son environnement et menacer sa survie … Cela dit lorsqu’on y pense, c’est un peu ce qui nous arrive aujourd’hui à l’échelle planétaire avec la surexploitation des richesses naturelles !
Lors de notre journée « tour du Sud de l’île », nous visitons tout d’abord le site de l’ahu Nau Nau (sept moais édifiés sur une très belle plage, une plage de carte postale et superbement restaurés) puis plus loin le site Te Pito Kura (gigantesque moai malheureusement brisé et à terre).
Le point fort de la journée est sans aucun doute la visite de la carrière de Rano Raraku : autour de nous sur les flancs du volcan, plusieurs centaines de moais à moitié enterrés, couchés ou sur le dos. La plupart d’entre eux ont été mystérieusement abandonnés finis ou en cours de finition. Fascinant de circuler dans ce cimetière de statues géantes fixant l’horizon avec la mer en arrière plan. Fascinant d’imaginer comment travaillaient les sculpteurs : ils taillaient la pierre volcanique à la pierre dans des tranchées autour du moai en formation, un travail difficile et ingrat.
Mais le plus beau site de tous, que nous visitons en fin de journée, est sans hésitation : L’ahu Tongariki : quinze moais de différentes tailles alignés au pied des falaises. La restauration du site a été financée avec succès par une société japonaise qui fabrique des grues et dont le slogan publicitaire est désormais : « les grues qui remontent le temps ».
Il parait que ce dernier lieu est encore plus beau au lever du soleil. Sans hésitation, le lendemain nous quittons le camping à 6h du matin … et à 7 heures, nous admirons l’un des plus beaux levers du soleil que nous ayons vu. Les statues sortent progressivement du crépuscule, et, lorsque l’astre sort de la mer, il illumine les statues par leur dos et les moais dessinent d’immenses ombres à contre-jour, un moment rare et magique !
Nous avons beaucoup aimé voir les chevaux et vaches en liberté dans les vastes pâturages du centre de l’île (même si il faut être vigilant en voiture car ces animaux sont imprévisibles).
Sur la côte Sud, l’île est un champ de lave dont la noirceur est quelque peu inquiétante. La côte Nord et le centre de l’île sont beaucoup plus sympathiques : vertes prairies, volcans éteints ; un paysage d’Auvergne !
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