Le lac Inle situé au cœur du plateau Shan à l’Est du pays est la dernière étape de notre voyage en Birmanie.
Pour s’y rendre, nous prenons au petit matin (4 h) un bus local très ancien : le plancher est en bois, la porte d’entrée ne se ferme plus et les banquettes sont très dures (pitié pour les lombaires) et peu espacées (Stéphane manque de place pour caser ses grandes jambes).
Douze heures de voyage cauchemardesque au niveau du confort !
Et pour corser le tout, le bus s’arrête à chaque village et les gens s’entassent là où il y a de la place (en version locale cela veut dire des tabourets en plastique dans le couloir et sur le toit pour les plus téméraires!).
Dans la deuxième partie du trajet, plus montagneuse, le bus s’arrête à plusieurs reprises pour asperger d’eau le moteur et éviter la surchauffe.
Vers la fin du parcours, nous sentons une odeur de brûlé vers l’avant : c’est une panne de freinage heureusement rapidement réparée par le chauffeur mécano.
Nous nous souviendrons aussi de la station à essence locale : pas de pompe, le réservoir est rempli au seau…
Le pire, c’est l’état des routes : la chaussée est complètement défoncée sur la totalité de notre parcours, nous sommes ballotés en permanence, le bus ne dépasse pas les 50 km/h.
La junte préfère investir dans l’armée plutôt que dans les infrastructures.
C’est une campagne d’un autre âge que nous traversons : c’est comme si la vie s’était arrêtée en France en 1900 !
Le matériel agricole, lorsqu’il existe, est obsolète. Les bœufs et charrues sont dans les champs, les personnes sont transportées à cheval, la canne à sucre est coupée à la main…
C’est très beau à regarder, à photographier mais le travail manuel des paysans doit-être difficile.
Nous sommes une nouvelle fois frappés par la pauvreté des villages et des habitants qui y vivent. Les enfants traînent dans les rues ou devant leur maison au lieu d’être à l’école.
Nous traversons une vallée dont la terre est riche du fait des sédiments apportés par le fleuve Ayeyarwaddy. Et pourtant, faute d’irrigation et de techniques culturales plus évoluées, les rendements agricoles sont dramatiquement faibles.
Les champs de tournesol sont chétifs, les cultures de colza sont clairsemées les parcelles de petites tailles…
La Birmanie importe nombre de denrées agricoles (pommes, poires…) alors que le pays était encore, au moment de son accession à l’indépendance, le premier producteur mondial de riz…
En fin d’après-midi, nous arrivons au village de Nyaungshwe situé à quelques kilomètres du lac Inle.
Après le marathon des derniers jours, nous décidons de nous poser ici quelques jours.
Nyaungshwe est une bourgade où il fait bon vivre : peu de bruit (les voitures sont rares), le climat est ensoleillé et pas trop chaud en journée (propice aux balades en vélo). En soirée (full moon party), les gens chantent dans la rue et les bars restent ouverts tardivement…
Le village regroupe les hôtels et restaurants économiques de la région.
Il faut payer beaucoup plus chers (70 à 160 $ la nuit) pour bénéficier du coucher du soleil au bord du lac. Mais ces hôtels appartiennent au gouvernement ou aux généraux en retraite, à éviter. Ils sont envahis de groupes organisés (principalement italiens ou russes), ce qui n’est pas notre tasse de thé.
Proche de notre hôtel, le marché traditionnel propose des fruits et légumes frais, des poissons pêchés dans le lac et des morceaux de viande, tout cela dans la poussière et les mouches (que la vendeuse tente de disperser par aspersion d’eau, sans succès).
Cette région est la terre du peuple Intha. Le niveau de vie est ici plus aisé qu’ailleurs en Birmanie grâce à la diversification de l’agriculture et au tourisme.
Nous explorons en vélo les villages environnants. L’activité dans les champs est passionnante à observer : des vaches squelettiques (avec une bosse proéminente vers l’avant) sont utilisées pour labourer les champs, des femmes coupent la canne sucre dont la hauteur est impressionnante (3-4 m), les femmes nettoient les vêtements aux cours d’eau et se lavent également pudiquement à l’abri des regards, les bœufs sont chevauchés par des gamins de 5 ans et sont conduits vers la rivière pour la baignade de la journée…
Les maisons majoritairement en bambous, plus rarement en bois sont sur pilotis et donnent sur les canaux ou rivières. Certaines semblent si fragiles qu’un coup de vent suffirait à les aplatir.
Sur le chemin au milieu des champs, nous visitons une micro usine qui traite la canne à sucre : pressage de la canne, chauffage et concentration du jus dans de grandes marmites et obtention d’un liquide noirâtre prisé des mouches, liquide dont nous ne connaissons pas l’utilisation.
Il y a même un vignoble sur le flanc Ouest de la montagne : 75 hectares de vignes. Au moment de notre passage, le raisin est récolté en vue du pressage, fermentation et mise en bouteilles.
Les bouteilles de vin blanc ou rouge sont vendues 10 $ aux touristes du pays (pas d’exportation pour cause d’embargo).
Nous discutons longuement avec le directeur de l’usine, François, un français qui vit en Birmanie depuis 9 ans. Il a conçu l’usine de A à Z bénéficiant des moyens importants du propriétaire (il s’agit du chef de l’ethnie locale, très riche grâce au commerce frauduleux des pierres précieuses, en complicité avec la junte militaire).
François nous affirme que le nombre de touristes a dégringolé après la répression de la révolte des moines de 2006 et le cyclone de 2007 (tous les hôtels étaient vides). Depuis, le tourisme a repris (200 à 300 000 visiteurs annuels) sans égaler la fréquentation des pays voisins (15 millions en Thaïlande, 3 millions au Cambodge…).
Nous trouvons le temps de visiter des monastères : ceux-ci sont sobres, tout en bois.
La façade en bois du monastère de Shwe Yan Pyay a des ouvertures rondes permettant, avec chance, d’y observer les monks en train d’étudier.
Nous entrons dans un autre monastère près du lac. Nous y voyons des jeunes moines réunis dans la grande salle qui étudient, ou plutôt, font semblant de lire leurs livres. Des avions papier et des boulettes volent !
Stéphane est accueilli par 3 moines du monastère Moke Thoke : échange de photos autour du thé. Malheureusement, la discussion est limitée car les moines ne parlent pas l’anglais.
Le surlendemain de notre arrivée, nous partons explorer le lac au cours d’une journée qui restera inoubliable.
Entouré de montagnes, le lac Inle immense s’étire sur plusieurs kilomètres. Sa profondeur varie de quelques centimètres à 6 mètres.
Confortablement assis dans notre pirogue à moteur, nous commençons la descente du lac vers le Sud.
Autour de nous, les pêcheurs naviguent sur des pirogues en bois allongées et très belles (curieusement, ces bateaux semblent stables malgré leur finesse).
En équilibre et debout à l’extrémité arrière de la pirogue, le pêcheur pousse le bateau avec sa jambe (la jambe entoure la rame), tient une nacelle de la main gauche et une pique (harpon) de la main droite.
Un ballet étonnant au milieu du plan d’eau.
Nous arrivons au village de pêcheurs au Sud du lac : les maisons en bambous sur pilotis se reflètent sur l’eau calme et sombre du lac, les habitants se déplacent en pirogue, les enfants jouent sur des îlots terreux, certains jardins sont fleuris. L’atmosphère est calme, sereine. Les couleurs sont magnifiques et photogéniques, c’est tout simplement beau !
Dans les villages, nous effectuons la tournée des artisans. Les visites sont très touristiques mais cela reste très intéressant. Nous sommes partis avec une demi-heure de retard par rapport au flot de touristes ce qui nous permet d’être relativement tranquilles.
Premier arrêt dans une fabrique de tissus à base de soie et de lotus. La fibre de lotus est extraite manuellement de la tige : les fibres sont enroulées, séchées et prêtes à l’utilisation. Les écharpes 100% lotus ont une texture proche du lin (plus doux et aussi beaucoup plus cher !).
Nous visitons ensuite un atelier qui travaille le bronze (le feu est attisé manuellement pendant que 4 gros bras tapent le métal incandescent afin de lui donner sa forme définitive, impressionnant), une fabrique de cigares (les petites mains féminines font jusqu’à 700 cigares / jour), un atelier de menuiserie qui conçoit des pirogues (il faut assembler plusieurs morceaux de bois pour obtenir la finesse de ce bateau), un atelier d’orfèvrerie (la gérante est fière de nous montrer le bijou phare de la maison : un poisson aux écailles d’argent articulées).
Lors de la visite d’un atelier fabriquant des ombrelles, nous sommes impressionnés par la technicité de l’objet conçu autour du bambou. A partir d’un morceau de bois, l’artisan élabore devant nos yeux le loquet permettant de maintenir ouvert le parapluie et ce, sans utiliser de ressort. La toile de l’ombrelle est issue de plantes flottantes séchées et blanchies. Deux couches de toile sont superposées avec à l’intérieur des plantes séchées en guise de décoration. Que du fait main à un prix dérisoire !
Après un déjeuner vite expédié à l’ombre de la pagode Ywama (à l’intérieur, les Bouddhas ont été déformés par l’ajout successif de feuilles d’or : ce sont maintenant de grosses boules dorées), nous remontons la rivière en direction du village d’Idein. Au sommet de la colline, la pagode Shwe Inn Thein étonne par le nombre de stûpas dorés très proches les uns des autres.
Nous entrons de nouveau dans un village de pêcheurs mais cette fois ci les maisons sont en teck : nous ne nous lassons pas de circuler entre les maisons sur pilotis se reflétant sur l’eau, un enchantement !
La particularité de ce village est de travailler des jardins flottants : il s’agit de bandes de terre et d’herbes fixés au sol via des piquets de bambou. Recouvert d’argile et de boue, les paysans y plantent des tomates, des laitues… Le ramassage se fait en pirogue !
Nous terminons la journée en beauté, par un coucher de soleil sur le lac calme, entouré de pirogues de pêcheurs. Louis Vuitton a été bien inspiré de faire une pub ici ! (publicité sur papier glacé, découverte au hasard d’une visite de temple).
Nous n’avons pas envie d’affronter de nouveau les routes birmanes cabossées.
C’est en avion que nous rentrons à Yangon avec Asian Wings Airways, une nouvelle compagnie aérienne non répertoriée dans la liste noire européenne (ni peut-être même dans aucune liste européenne !). L’atterrissage à l’escale de Bagan a été épique : au sol, l’avion a viré à droite, puis à gauche plusieurs fois avant de freiner et de s’immobiliser. Nous avons eu chaud !
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