Le meilleur moyen (et le plus sympa aussi !) est de remonter en bateau le Mékong puis la rivière Nam Ou : c’est ce que nous allons faire de Luang Prabang jusqu’à Phongsaly au Nord du pays, soit plus de 400 km de bateau en 3 jours.
1ère journée en bâteau.
C’est une pirogue à fond plat avec des sièges d’avion qui nous attend à l’embarcadère de Luang Prabang ; pas très esthétiques ces sièges gris mais bien confortables !
Après avoir remonté rapidement les 35 km du Mékong, nous quittons le fleuve mythique pour son affluent : la rivière Nam Ou.
Nous étions déjà la veille à l’intersection entre les deux cours d’eau.
En effet, à cet endroit se trouvent les grottes de Pak Ou. Il s’agit de deux trous dans la falaise calcaire qui surplombe le Mékong : ces grottes abritent des centaines de statues de Bouddhas (jusqu’à 6000) de toutes tailles, de tous matériaux. Les statues ont été déposées sur les rochers par les fidèles lors des fêtes religieuses.
La grotte la plus proche du fleuve est plus impressionnante que l’autre, sans doute parce que les Bouddhas se devinent dans la pénombre avec en arrière plan une très belle vue sur le Mékong.
Malheureusement, l’affluence touristique trop importante ne permet pas de profiter pleinement de la sérénité des lieux…
Notre bateau entre dans la rivière Nam Ou : les rives plus proches nous permettent d’admirer l’activité intense des pêcheurs et des orpailleuses : situées généralement aux courbes de la rivière, nous les voyons utiliser des grands tamis en bois afin de rechercher le métal précieux.
Nous traversons de splendides paysages : les montagnes se succèdent, la vallée de la rivière est parfois très encaissée.
Cette navigation est vraiment plus belle que sur le Mékong !
Mais, du fait du faible débit de la Nam Ou (fin de la période sèche), le bateau remonte des rapides de plus en plus accidentés. Nous admirons la dextérité du chauffeur qui parvient à éviter les rochers (à certains endroits, la rivière n’est profonde que de quelques centimètres !) et à remonter les rapides sans que le bateau ne tourne.
Seul problème : à cause des rapides, l’eau entre par vagues dans le bateau et comme nous sommes à l’avant, nous sommes bien arrosés ! La météo n’étant pas terrible (froid et vent), nous arrivons frigorifiés à Nong Khiaw.
Le temps de retirer de l’argent à un hôtel qui se commissionne grassement au passage (cela nous apprendra à ne pas anticiper nos besoins en argent !) et nous repartons en milieu d’après-midi pour Muang Ngoi.
Muang Ngoi est un village isolé qui surplombe le lit de la rivière : à cet endroit, la Nam Ou est entourée de montagnes en forme de pics, très beau !
Le village n’est accessible qu’en bateau : pas de véhicule à moteur mais une simple route parallèle à la rivière où se sont regroupées les maisons des villageois. Les enfants jouent dans les jardins ou sur la chaussée au milieu des poules, chiens et cochons.
L’atmosphère est sereine, agréable, une ambiance du bout du monde qui nous séduit : nous posons notre sac ici pour 24 heures !
Et en plus, nous logeons dans des bungalows avec douche chaude au gaz : c’est du luxe ici car les autres guesthouses ne proposent que de l’eau chauffée au solaire, et, étant donné la météo…
Autre bonne surprise : un restaurant propose un buffet « All you can eat ! » pour 1,5€ : le petit déjeuner avec purée de pomme de terre aux oignons et pancakes à la banane à volonté est pantagruélique !
A l’extrémité de la rue, nous visitons le temple Bouddhiste du village. Nous sommes surpris de voir des villageoises remonter de la rivière vers le temple en portant des sacs de sable de 25 kg !
La notion du travail ici est bien différente de celle en Europe : les femmes travaillent dur dans les champs alors que les hommes restent à la maison et s’occupent des enfants…
A l’arrière du village de Muang Ngoi, un sentier nous conduit vers une grotte, profonde mais sans grand intérêt. Plus loin, nous traversons des terrasses de rizières. Le vert tendre des champs contraste avec la forêt sombre des montagnes en arrière plan.
Notre balade se poursuit dans un village traditionnel avec encore beaucoup d’enfants et d’animaux.
Deux adolescents s’éloignent avec des fusils à plomb : nous les suivons discrètement. Mais la chasse n’est pas très fructueuse : les oiseaux et petits gibiers sont rares…
C’est une belle journée de plein air dans la campagne et la forêt.
Lors de notre 2ème journée en bateau, nous remontons en 6 heures la Nam Ou jusqu’au village de Muang Khua.
Les paysages sont toujours aussi beaux et variés et nous sommes plus au sec à l’arrière du bateau. Pas de touriste avec nous mais que des laotiens qui montent ou descendent au gré des escales du bateau. A divers endroits, nous croisons des radeaux de bambous immobilisés et pourvus de moteur à hélices : celles-ci tournent sous l’action de l’eau et permettent de fournir de l’électricité au village proche. Astucieux et 100% écolo.
Muang Khua est également une simple escale technique tant le bourg manque d’intérêt. De plus, la pluie et le froid ne nous incitent pas à découvrir ce village !
Notre 3ème et dernière journée en bateau nous conduit en 7 heures à Hatsa, port situé à une vingtaine de km de Phongsaly, notre destination finale.
Cette portion de rivière est encore plus belle que les autres car plus sauvage : plus nous montons vers le Nord, moins il y a d’habitations et de villages. La Nam Ou est encore plus indomptable que les jours précédents et il faut deux conducteurs pour manœuvrer notre bateau !
Malheureusement, nous constatons les ravages de la déforestation incontrôlée : culture sur brûlis par les paysans laotiens et exploitation de bois rares par les vietnamiens. Des pans de montagnes sont dénudés…
Nous arrivons à Hatsa en fin d’après-midi. Nous attendons la navette près du marché (une pancarte indique que le marché a été reconstruit avec l’aide financière de la France…) mais celle-ci ne vient pas.
Christophe s’impatiente et décide de prendre les choses en main : plusieurs laotiens attendent également mais aucun ne prend l’initiative de commander un tuk-tuk. Ils attendent que d’autres le fassent à leur place ! curieuse notion du temps ou l’art de perdre son temps…
Nous négocions avec le chauffeur tuk-tuk le trajet vers Phongsaly pour un prix exhorbitant, mais nous n’avons guère le choix… quatre autres laotiens nous emboitent le pas et nous voilà partis alors que la nuit tombe.
Phongsaly est située à l'extrême Nord du Laos. Cette ville est le chef-lieu de la province du même nom, province la plus isolée du pays et entourée sur les trois côtés par la Chine et le Vietnam.
D’ailleurs, la présence chinoise est marquée ici : les chinois gèrent les hôtels et restaurants.
Située au sommet d’une montagne, la ville est froide au sens propre (10-15°C et forte humidité) comme au sens figuré : les bâtiments sont laids, les rues tristes, les habitants indifférents à notre passage. Notre hôtel est glauque et sale : le genre de bâtiment bunker que l’on rencontre dans les pays d’Europe de l’Est.
La restauration est médiocre : les 2-3 restaurants de Phongsaly servent la même nourriture (fried rice…) dans des salles repoussantes.
Heureusement, nous faisons la connaissance d’Isabelle et de Jean-Pierre !
Originaires de Besançon (Pontarlier précisément), ils font comme nous un tour du monde depuis 7 mois et ont traversé plusieurs pays que nous avons visités. Nous passons la soirée à discuter de nos aventures, de regarder photos et films et à refaire le monde !
Pourquoi donc avoir été à Phongsaly? parce que cette ville est la base idéale pour découvrir quelques unes des 20 minorités ethniques que comptent la province.
D’ailleurs, dès le lendemain de notre arrivée, nous visitons le village de Phounoy à une vingtaine de kilomètres de Phongsaly. Nous traversons des plantations de théiers adossées aux versants des collines. Les feuilles de thé fraîchement coupées sèchent sur de grandes toiles au bord du chemin.
Nous étions partis à pied sans aucune notion de la distance à parcourir, heureusement un pick-up nous a spontanément véhiculé jusqu’au village via un sentier complètement cabossé ! Nos chauffeurs sont une délégation du ministère du tourisme en visite dans la province. Quelle chance ! Nous avons droit au traditionnel thé d’accueil, nous n’échappons pas au lao lao (alcool de riz) et bénéficions d’une visite guidée…
Le village est fier de détenir des théiers vieux de 400 ans ! L’arbre étant grand, nous voyons des gamins dans les branches en train de cueillir les feuilles ; le thé vert ou noir sera vendu sous le millésime « 400 ans ».
L’ethnie Phounoy est d’origine tibéto-birmane. Les femmes portent un costume traditionnel noir brodé d’or et de guêtres de coton pour se protéger des sangsues.
Nous aurions bien aimé avoir cette protection lors de notre randonnée dans la jungle de deux jours avec Isabelle et JP. Ces bestioles s’attaquent à nos pieds, passent à travers la chaussette et pompent notre sang. Alerté par notre guide, nous scrutons anxieusement nos pieds toutes les 5 minutes.
Ce trek, organisé par l’office de tourisme de Phongsaly (50% de la recette ira au village), a pour but de découvrir la minorité Akha dans un village perdu dans les montagnes.
Après une journée de marche dans la forêt dense, nous arrivons en fin d’après-midi au village.
Celui-ci est constitué d’une vingtaine de maisons en bois sur pilotis perchées sur une colline de terre.
Stéphane est ravi de revoir les animaux de la ferme : poules, truies et ses porcelets, chiens cohabitent joyeusement ! Les enfants jouent avec des coqs dociles. Les hommes sont assis et nous dévisagent à distance. Les visiteurs ne sont pas fréquents ici…
A la tombée de la nuit, les femmes rentrent des champs la hotte chargée de bois ou d’outils (pioche). Elles portent une tenue noire sobre finement brodée ainsi qu’une coiffe de forme carrée. Ces villageoises sont coquettes : au cou, de beaux colliers de grandes pièces d’argent françaises, vestiges de la colonisation.
Stéphane est invité à partager le thé avec une famille : les enfants sont émerveillés par les photos de famille sur l’iPhone.
Après le dîner (de la bonne cuisine locale ; notre voisin fume de l’opium !) et la douche nocturne à la fontaine du village (beaucoup de spectateurs curieux lorsque Stéphane a enlevé ses lentilles de contact !), nous sommes massés par des villageoises de 12 à 30 ans. Ce pseudo-massage est très douloureux surtout pour les pieds qui sont écrasés et malaxés.
La nuit fut courte : dès 3 h du matin, les coqs du village commencent à chanter. Cela commence par un coq (sans doute le chef) suivi des autres. Ils sont nombreux les coqs ici !
Et, vers 6 h, la radio se met à rugir : d’abord une voix monocorde qui lit un texte puis une musique aux accents soviétiques retentit. Quoi de mieux qu’un réveil militaire pour commencer la journée !
Après le petit-déjeuner, nous retournons à Phongsaly.
C’est une expérience intéressante que de rencontrer des populations isolées à la culture différente. Mais quelle frustration que de ne pas pouvoir communiquer avec les habitants !
Nos derniers jours au Laos sont des journées de transit : retour à Muang Khua en bateau et départ en bus vers le Vietnam.
Isabelle et Jean-Pierre descendent vers le Sud du pays : nous les quittons avec regret.
Il nous faut plus de 5 h pour parcourir les 100 km de route qui nous séparent de la frontière vietnamienne. Nous empruntons une route en construction, des travaux effectués avec l’aide des vietnamiens.
Notre petit bus est archi rempli de pousses de bambous (un commerce lucratif vers le Vietnam !), de gros sacs et… d’un scooter sur l’allée centrale. Une passagère transportera même de la viande de buffle fraichement tranchée dans deux sacs plastiques au dessus de nos têtes !
Mais la bonne humeur est de mise dans le bus car le passage à la frontière est rapide et sans bakchich ! Cette frontière vers Dien Bien Phu n’est ouverte que depuis peu aux touristes étrangers, il s’agit de ne pas les décourager.